dimanche 15 septembre 2013

Muselières pour dames.

Muselières pour dames.

L'homme a toujours abusé de sa supériorité physique pour infliger à la femme humiliations et parfois tortures.
Mais jamais abus de pouvoir a revêtu le caractère particulièrement tyrannique et offensant que celui dont MM. les anglais furent les auteurs au moyen âge. Oui, les anglais, ces gentlemen accomplis, nos professeurs de corrections et de belles manières, inventèrent et appliquèrent, il y a cinq siècles, ce génial appareil: la muselière pour femme, qu'ils appelaient la Bride de la mégère.


Dame ! pour être juste, il faut bien reconnaître que le bavardage est le péché mignon des filles de Mme Eve, qui la première ne sut pas tenir sa langue et fit un brin de causette avec le serpent ! Mais les hommes sont-ils si qualifiés que ça pour le leur reprocher, eux qui courent de meetings en conférences et qui avec leurs amis, jabotent des demi-heures au coin de tous les trottoirs ?
Voyez d'après le dessin ci-dessous, copie très exacte d'un des "appareils", conservé dans un musée de Londres, comment le John Bull du moyen âge s'y prenait pour imposer silence à sa tendre moitié.


La muselière se composait d'un cercle de fer entourant la tête à hauteur de la bouche et maintenu par une bride métallique, munie d'un ouverture pour le nez. Passant par dessus la tête, la bride se rabattait en arrière et enserrait la patiente. A la partie antérieure du cercle était placé une lame de fer, légèrement aiguisée, qui pénétrait dans la bouche. Sitôt que la langue remuait, elle se trouvait cruellement piquée.
N'est-ce pas qu'on n'est pas plus galant ? En France, à cette époque, se tenaient les cours d'amour, et les troubadours composaient pour les dames leurs plus beaux poèmes.


Mais quoi, ce dessin vous effraie, madame ? Vous vous demandez pourquoi cette dame du XXe siècle est ainsi muselée ? Rassurez-vous: la Bride de la mégère n'existe plus que dans les musées d'outre-Manche.
Nous avons voulu vour montrer l'aspect de la parisienne moderne portant la muselière des antiques "miladys". Cela jure n'est-ce pas avec la jacquette et le parapluie-aiguille ? Mais quel est le Français qui oserait tenter pareille impertinence ? Ses compatriotes l'obligeraient, pour le moins,... à se faire anglais...

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 19 avril 1903.

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