jeudi 22 août 2013

Le carnet de Mme Elise.

Les conditions de paix de Monsieur.

Un de nos lecteurs, qui signe: Mécontent nous adresse une lettre fort piquante:

       Madame,


Pourriez-vous me donner quelques conseils pour m'aider à suivre l'exemple de Carl Wilson, habitant Kenosha, dans le Wisconsin; ayant intenté une action en divorce contre sa détestable épouse, il consentit à la retirer devant les supplications de sa femme; en revanche, il obtint qu'elle signât devant notaire une séries de promesses dictées par lui.
Moi aussi, madame, j'ai une femme insupportable; j'ai l'intention de demander le divorce; pour m'en empêcher il faudra qu'elle se soumette aveuglément aux commandements que je lui imposerai.
Dites-moi par quelles formalités légales je dois la lier pour qu'elle ne puisse manquer, par la suite, aux conditions qu'elle aura acceptées.
Voici à peu près le texte que j'exigerai:

Je serai ordonnée et économe, avec intelligence et mesure.

Je ne tyranniserai pas ma famille sous prétexte de surveillance.

Je n'obligerai pas mon mari à faire dix méchants repas pour pouvoir donner une soirée.

Je ne me répandrai pas plus d'un quart d'heure par jour en récriminations contre mes domestiques et mes fournisseurs.

Je ne ferai pas de virement de fonds, prenant dans le budget de la nourriture pour augmenter celui de la toilette.

Je n'irai pas manger des gâteaux chez le pâtissier pour faire ensuite la petite bouche à table et me plaindre de mon estomac.

Je passerai plus de temps à la cuisine que dans mon cabinet de toilette.

Je n'obligerai pas mon mari à discuter la façon de chacune de mes robes.

Je n'irai qu'une fois par quinzaine dans les magasins de nouveautés.

Je raccommoderai les vêtements, le soir, à la lampe, silencieusement, sans crier que ma vie est monotone.

Je ne menacerai pas mon mari d'abandonner la direction du ménage et de m'émanciper, chaque fois qu'il prendra le plus petit plaisir.

Je ne l'accablerai pas de questions minutieuses et agaçantes sur l'emploi de son temps et celui de son argent.

Je saurai le louer quand il a réussi quelque entreprise et ne l'accablerai pas de reproche quand il a échoué.

Je ne l'abasourdirai pas de commérages inutiles.

Je saurai garder un secret.

Je ne serai pas fantasque; je ne bouderai pas une journée entière pour une parole un peu vive.

Je ne lui garderai pas rancune pour un rien; je ne tiendrai pas une comptabilité serrée des moindres offenses que j'aurais reçues, pour les rappeler, dans la suite, à chaque occasion.

   
   Pour copie conforme:

                                                                        Mme Elise.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 28 décembre 1902.


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