jeudi 29 août 2013

La population indigente de Paris.

La population indigente de Paris.

D'après le recensement de 1877, la population indigente de Paris comprend 43.662 ménages ou 113.317 individus: il n'est pas sans intérêt de comparer ces chiffres à ceux des recensements antérieurs.
En 1791, on essaya de dresser une statistique des indigents par paroisse. Sur 34 paroisses, 25 fourniront des chiffres exacts; dans 9 autres, on ne put obtenir qu'une approximation. Ces recensements partiels donnent un total de 98.000 indigents. A la même époque, Lavoisier évaluait la population de Paris à 600.000 âmes *.
Le premier recensement ayant un caractère officiel est celui de vendémiaire an 10 (1803); il constate l'existence de 111.626 indigents sur 547.416 habitants.
Si l'on cherche le rapport de la population indigente à la population totale, on trouve 1 indigent sur 6 habitants en 1791; 1 sur 5 en 1803; aujourd'hui le rapport n'est plus que de 1 à 17.
De 1803 à 1829, il n'existe pas de trace de recensement général: pendant cette période, chaque bureau de bienfaisance indiquait le nombre des indigents de son arrondissement, et l'administration acceptait sans les controler les chiffres qui lui étaient fournis.
Un recensement régulier de la population indigente eut lieu en 1829, et, à partir de cette date, la même opération s'est renouvelée, sauf à de rares exceptions, de trois en trois ans: le recensement des indigents est fait contradictoirement par les agents de l'administration et par les délégués des bureaux de bienfaisance.
Les chiffres qui suivent peuvent donner une idée du mouvement de la population indigente de 1829 à 1869.

                                                     1829............................................62 705   indigents
                                                     1856............................................69 424
                                                     1861............................................90 287
                                                     1869...........................................111 357

Entre le recensement de 1856 et celui de 1861 se place l'agrandissement de Paris par l'annexion des communes suburbaines (1860).
Complétons ce tableau par les résultats des deux derniers recensements: en 1874, on comptait 113.733 indigents; en 1877, on en comptait 113.317. C'est donc une diminution de 416 individus, diminution bien faible, sans doute,  mais qui accuse tout au moins une tendance de la population indigente à rester stationnaire.
Les 113.317 indigents de 1877 se répartissent ainsi:

                                                   Hommes.................................22 026
                               Adultes
                                                   Femmes..................................38 477

                              Enfants, au dessous de 14 ans.................51 814

Sur les 43.662 logements occupés par le même nombre de ménages indigents, 26.342 se composent d'une seule pièce. On compte 1.118 chambres ayant 4 lits, et 127 où se trouvent 5 lits à la fois. Le nombre de logements dépourvus de tout moyen de chauffage est de 2.991.
Le rapport de l'administration de l'Assistance Publique constate l'existence de 1.860 logements sans une fenêtre, sans même une tabatière, et qui ne sont éclairés que sur un palier ou sur un corridor: ici, les chiffres parlent et la statistique a son éloquence.
Les vingt bureaux de bienfaisance de Paris dépensent actuellement 5 millions par année, ce qui représente une moyenne de 120 francs environ par ménage.
On peut, au moyen de tableaux très complets qui accompagnent le Rapport officiel, se rendre compte de la proportion des différents métiers dans le chiffre de la population indigente. En première ligne, on trouve les "hommes de peine" et les "femmes de journée", deux catégories vagues où entrent tous ceux qui n'ont pas de profession proprement dite. Viennent ensuite les cordonniers et les tailleurs, les couturières et les lingères: de toutes les industries parisiennes, c'est l'industrie du vêtement, sous toutes ses formes, qui fournit le plus fort contingent. Les corps de métier du bâtiment ont aussi leur part; mais il y a moins de charpentiers ou de maçons, sur la liste des indigents, que de tailleurs ou de cordonniers. Enfin, les professions libérales sont représentées dans ce bilan de la misère, et des hommes de lettres, des professeurs, des musiciens y figurent, comme pour affirmer l'égalité des conditions humaines.
En résumé, 43.000 ménages sur 113.000 assistés; voilà ce qu'il faut retenir du recensement de 1877. Est-ce là tout du moins, et peut-on dire que les documents administratifs nous aient montré la misère toute entière ? Non, hélas ! Il y a une autre misère, non moins réelle, non moins pénible, celle qui se cache et se dérobe: c'est le role de la charité privée de la découvrir, de lui venir en aide, de la relever moralement et de compléter ainsi l'oeuvre de l'Assistance publique.


* "Le nombre des naissances dans la ville de Paris est, année commune, de 19.769. En multipliant ce nombre par 30, on peut conclure, avec quelque vraisemblance, que le nombre des habitants de Paris de tout sexe et de tout âge est de 593.070, et, en nombres ronds, de 600.000." ( Lavoisier, Essai sur la population de la ville de Paris, sur sa richesse et ses consommations)

Magasin Pittoresque, janvier 1879.

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