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vendredi 20 avril 2018

Le mariage au fromage.

Le mariage au fromage.

Le Valais, cette pittoresque agglomération de vallées qui commence à l'extrémité du lac de Genève pour se prolonger jusqu'en Italie, est resté, de tous les cantons suisses, le plus original au point de vue des mœurs et le plus pittoresque au point de vue des beautés naturelles...
Les mœurs des habitants de cette vallée sont encore pleines de particularités curieuses. Les familles sont d'autant plus nobles qu'elles possèdent plus de fromages; et plus le fromage est vieux, plus il a de prix. Ils n'en vendent presque pas, ils alignent les meules dans leur cave selon leur provenance, leur âge, leur qualité.
Il y a des fromages qui ont 120 et même 150 ans, qui datent de la Révolution française. Ils tombent en poussière. On les vénère comme des aïeux. Ils sont du reste le symbole des grands événements familiaux. A la naissance d'un enfant, on fabrique un fromage qui porte son nom.
La moitié de ce fromage sera mangée le jour de son mariage et l'autre moitié le jour de ses obsèques. Un jour d'enterrement est resté dans ces vallées un jour de festin et de fête. On donne un grandissime repas auquel souvent plus de cent personnes prennent part.
Le fromage joue aussi son rôle dans les coutumes matrimoniales des habitants de la vallée de Zermatt.
Un jeune homme désire-t-il épouser une jeune fille, il s'invite de lui-même à dîner, un dimanche, dans la famille de celle qu'il voudrait choisir pour femme.
Si le père de celle-ci descend chercher à la cave le fromage sur lequel est gravé le  nom de la jeune fille et s'il en offre un morceau, au départ, au prétendant, c'est une manière de lui faire savoir que sa demande est agréée et, à partir de ce moment, on le traite et on le considère comme un fiancé.
M. Louis Courthion, qui vient de publier à Genève une étude des plus intéressantes et des plus documentées sur le peuple  du Valais, raconte ces curieux détails et fait observer que chez ces montagnards, il est bien rare que les mariages soient préparés par les parents et que ceux-ci soient consultés. Dès qu'un projet d'union est confidentiellement arrêté entre un jeune homme et une jeune fille, ils cherchent à le réaliser en quelques semaines. Ils en parlent à leurs parents, et les cas d'opposition sont excessivement rares.
Ces projets matrimoniaux sont tenus secrets même pour les frères et les sœurs, jusqu'au moment de la publication des bans.
M. Courthion raconte que dans la vallée de Bagnes, quand la noce s'en revient de l'église, il est d'usage que la mariée disparaisse tout à coup. Le mari court à sa recherche, et comme personne ne lui donne le moindre renseignement, il cherche quelquefois très longtemps. S'il montre de la contrariété ou de l'humeur, on en conclut que la mariée sera malheureuse.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 2 août 1903.

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