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vendredi 20 avril 2018

Ce que boivent nos députés.

Ce que boivent nos députés.


Maintenant que la Chambre est en vacances et que, dans la paix des champs, nos honorables se reposent de leurs considérables travaux en promettant, comme s'il en pleuvait, bureaux de tabac et palmes académiques, pénétrons discrètement dans le Palais-Bourbon enfin silencieux et surprenons les secrets de la buvette enfin désertée.

Quand un député monte à la tribune, presque sur ses pas, on voit arriver un garçon à collet et gilet rouges, porteur d'un verre sur un plateau.
C'est l'employé chargé d'apporter aux orateurs la boisson destinée à humecter leur gosier desséché par le flux des paroles ou contracté par le "trac" que n'évitent pas toujours les parlementaires les plus anciens, en cette Chambre pourtant si peu solennelle.
Le "garçon du verre d'eau", c'est son titre officiel, connait le goût de tous les habitués de la tribune, lesquels, d'ailleurs, ont pris la précaution de le notifier à M. Launay, celui des chefs du matériel de la Chambre, spécialement chargé de la buvette.
Ces goûts sont moins variés qu'on ne le pourrait croire.
A de rares exceptions près, c'est l'eau sucrée parfois additionnée de quelques gouttes de rhum, le café froid et le vin de Bordeaux étendu d'eau, que réclament la plupart des orateurs.
La bière est presque entièrement délaissée, et en hiver seulement, les honorables, qui redoutent pour la clarté de leur voix les effets d'un malencontreux enrouement, réclament des grogs ou du lait chauds.
Nous avons cherché à connaître pour les lecteurs de Mon Dimanche le goût des orateurs les plus connus dans le Parlement (Chambre des députés ou Sénat). Voici les renseignements que nous avons recueillis:
M. Waldeck-Rousseau, étant président du conseil, buvait de l'eau avec quelques gouttes de sirop gommé.
M. Méline boit du vin de Bordeaux très largement mouillé. MM. Combes, Ribot, Pelletan, Delcassé, Jonnart, Denys Cochin, de Mun, le général André se contentent du verre d'eau sucrée traditionnel.
MM. Bartou et Jaurès boivent du café froid. M. Henri Bresson, austère jusqu'à l'héroïsme, ne prend jamais rien quand il est à la tribune et c'est pour la forme seulement qu'on place près de lui un verre d'eau sucrée.
Parmi les anciens députés, les "garçons du verre d'eau" qui le servirent se rappellent encore le cas de M. Clémenceau, qui n'avait pas eu de précédents et n'a été, depuis son départ du Palais Bourbon, imité par personne. Le sénateur actuel du Var, quand il montait à la tribune, se faisait apporter un verre d'eau de Seltz pure et le garçon avait l'ordre de le renouveler fréquemment pour que le liquide fut toujours gazeux.

                                                                                                                              René Miguel.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 2 août 1903.

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