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mardi 20 décembre 2016

D'où viennent nos locutions proverbiales?

D'où viennent nos locutions proverbiales?

Nous employons dans la conversation courante une foule d'expressions proverbiales, que nous répétons sans les comprendre, sans en connaître ni l'origine, ni la raison, ce qui nous met au niveau du perroquet. Mon Dimanche a fouillé une quantité de vieux documents pour éclairer ses lecteurs sur ce sujet d'une actualité permanente. Voici le résultat de ses recherches:

"Oingnez vilain, il vous poindra; poignez vilain, il vous oindra", pour dire, caresser un malhonnête homme, il vous fera du mal, faites-lui du mal, il vous caressera, signifie aussi que les paysans et les petites gens sont ingrats et timides.
Les mots qui composent ce proverbe en prouvent l'ancienneté, il est peut-être né dans le temps que les paysans, qu'on appelait vilains, du latin villanus, étaient serfs et attachés à la glèbe. Quelques seigneurs traitaient ces malheureux vassaux comme Coriolan voulait qu'on traitât le peuple romain, et l'un d'eux, pour justifier sa dureté aurait dit: Oignez vilain etc... Ces verbes oindre et poindre, s'employaient autrefois par antithèse. Dans le Roman de la Rose, Guillaume de Loris, parlant des flatteurs, dit:

Et par doulces paroles oygnent
Mais après de leurs flèches poignent
Par derrière jusqu'à l'os
Et abaissent des bons les loz.

"Face de l'homme fait vertu", pour signifier que la présence d'une personne donne du poids à une affaire, qu'une chose n'en va que mieux, et n'en réussit qu'avantageusement que l'on y est présent, et qu'on en sollicite soi-même l'avancement.

"Il est comme le chien du jardinier", il ne mange point les choux et ne veut pas que les autres en mangent, se dit d'un envieux, d'un homme qui possède une chose utile sans en jouir, ni en accorder la jouissance aux autres.
Ce proverbe était connu des anciens, qui disaient en deux mots: Lucien compare un ignorant à un chien, couché dans une écurie et qui, ne pouvant manger d'orge, empêche le cheval d'en manger.

"Envoyer quelqu'un au diable de Vauvert", c'est à dire le faire courir plus loin qu'il ne pensait ou qu'il ne voulait. Vauvert était le nom de l'endroit où étaient les Chartreux de Paris, comme il y avait beaucoup de carrières et que le vent s'y engouffrait avec bruit, le peuple s'imagina, dit Ménage, que ce bruit était causé par un diable nommé Vauvert, du nom de ce lieu, c'est peut-être ça qui a fait donner le nom d'enfer à la rue qui y conduit.

"S'amuser à la moutarde", c'est à dire perdre son temps en vain, s'occuper à des bagatelles, tandis qu'on pourrait appliquer son esprit à des choses sérieuses et utiles. "C'est que je m'amuse comme vous à la moutarde". Ce proverbe est une allusion à ces mots en vieux français: moult et tarde, en sorte que quand on attend quelqu'un avec impatience, on dit qu'il s'amuse quelque part et moult tarde, c'est à dire tarde beaucoup à venir. Un prédicateur gagea, dit-on, un jour qu'il crierait trois fois moutarde quand il serait en chaire. Ayant commencé son sermon par ces mots: moutarde, moutarde, à chacun desquels il fit une pause, il ajouta tout de suite: "Moult, tarde le pécheur à faire pénitence".

Mon dimanche, revue populaire illustrée, 17 mai 1908.

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