Translate

mardi 30 juin 2015

La résidence de Voltaire à Ferney.

La résidence de Voltaire à Ferney.


Ferney est situé dans une très-jolie et large vallée, dont le milieu forme la frontière de France.
On va de Genève à Fernay en trois quarts d'heure par des espèces de voitures, décorées du nom d'omnibus, qui vous descendent à l'entrée du pays.
Ferney, lorsque Voltaire y arriva, se composait de sept ou huit cabanes; à sa mort, Ferney comptait 1.200 habitants et exportait pour 40.000 livres par an d'horlogerie. Aujourd'hui la population est de 1.600 à 1.800 âmes.
Le château est dans une situation admirable, au pied du Jura, en face des Alpes de Savoie et du Mont-Blanc, avec le lac de Genève dans l'intervalle.
En été, lorsque la saison des étrangers commence, les visiteurs de Ferney sont assez nombreux; mais en hiver, l'avenue des Tilleuls qui conduit à l'habitation est complètement déserte. Le château, comme on l'appelle dans le pays, est totalement inhabité, excepté par un jardinier qui fait office de cicerone.
A cette époque, on est étonné de voir arriver quelqu'un, et il a fallu toute la patience dont j'ai fait preuve (c'était en mars), et tout le désir que j'avais de n'être pas venu de si loin sans arriver au but, pour ne pas y renoncer et reprendre la route de Genève.
Avant la grille d'entrée, à gauche, est la petite chapelle ou église, fermée depuis bien longtemps probablement, et dont l'extérieur est assez dégradé par le temps; elle n'a de remarquable que cette inscription au-dessus de la porte; Deo erexit Voltaire 1761.



Au bout d'une bonne demi-heure et fatigué de sonner la cloche qui doit annoncer l'arrivée d'un visiteur, je me suis décidé à forcer la consigne qui interdit l'entrée de la propriété sans être accompagné, et je me suis avancer bravement à l'intérieur du parc, où j'ai trouvé, à six mètres en l'air, un homme perché sur une échelle et taillant une charmille. C'était le cerbère de l'endroit taillant la charmille de Voltaire.
A ma demande de visiter l'habitation, il fut surpris, probablement à cause de la saison, et m'y conduisit sans trop d'empressement. 
L'habitation n'a rien de remarquable extérieurement; elle est de forme carrée, et sinon peinte en blanc, du moins blanchie.



On entre par un perron de trois ou quatre marches dans une pièce qui pourrait bien avoir été une salle à manger et qu'on vous annonce être le salon du grand homme. Ce salon a la forme d'un octogone tronqué, c'est à dire dont on aurait retranché un des côtés; au fond se trouve une porte; à gauche un poële monument en faïence grise, donné par le grand Frédéric; à droite et à gauche de la porte, deux tables dorées, quelques fauteuils, et à droite un petit cénotaphe de marbre, d'assez mauvais goût, élevé par le marquis de Villette et ayant contenu, dit-on, le cœur de Voltaire pendant une quinzaine d'années.




Ce mausolée porte deux inscriptions que les faits démentent, comme je l'ai dit:

Son esprit est partout et son cœur est ici.

Et au-dessous:

Mes mânes sont consolées, puisque mon cœur est au milieu de vous.

Le long des boiseries différents tableaux, dont plusieurs appartenaient à l'auteur de Mérope.
A gauche en entrant, une porte vous conduit dans la chambre à coucher; à droite on voit le poële qui à gauche dans le salon; il doit chauffer les deux pièces; au fond, un petit lit qui n'a de remarquable que la gloire d'avoir été longtemps foulé par Voltaire. 




Au-dessus du lit on voit un portrait de Lekain couronné de lauriers, probablement dans un de ses rôles, et un peu plus à gauche un grand portrait de Catherine II de Russie, offert par elle-même à l'ami de Frédéric. Un autre tableau, mais postérieur, représente l'apothéose de Voltaire.
On regrette de ne pouvoir visiter la chambre où travaillait Voltaire. Au reste, elle doit être entièrement changée, puisque toute sa bibliothèque se trouve en Russie, ayant été achetée, comme on sait, par l'impératrice Catherine II.
Le jardin derrière le château est assez grand: moitié à la française et moitié à l'anglaise; d'abord un parterre, ensuite un parc irrégulier; à gauche, une longue allée de charmilles où Voltaire se promenait à l'abri du soleil en composant et déclamant ses vers. De distance en distance, il avait ménagé dans la charmille de petites ouvertures qui donnaient vue sur le Mont-Blanc et la Savoie, le plus beau paysage du monde. Dans le petit bois, on montre un orme que Voltaire planta, dit-on, de ses mains, et qui est protégé par un clôture contre l'admiration des touristes.
Lorsque j'ai dit que mon intention était de dessiner, j'ai vu un moment d'hésitation de la part de mon cicerone, qui avait l'air peu satisfait d'être dérangé dans ses travaux; malgré cela, les croquis que j'ai l'honneur de vous envoyer sont exacts.
Après cela, il n'y avait plus rien à voir, tout le reste étant occupé par le propriétaire actuel, M. David, possesseur d'un bel établissement de lapidairerie à Lajoux, et absent dans ce moment-là, comme il l'est pendant tous les hivers.

                                                                                                               Un touriste.

La Mosaïque, Revue pittoresque illustrée de tous les temps et de tous les pays, 1878.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire