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dimanche 17 août 2014

Ce que l'on conte des rois et des reines.

Ce que l'on conte des rois et des reines.

Louis XIV créa des charges d'historiographes pour narrer ses exploits. On dédaigne leurs écrits pour lire Saint-Simon qui, malignement, le soir, à la chandelle, notait les menus faits du jour, les anecdotes de la vie en perruque, les mots et les ridicules des grands. Les faits principaux de l'histoire s'imposent d'eux-mêmes à la postérité. Mais on ne connait bien les personnages importants d'une époque que par les indiscrétions de son entourage.
Mon Dimanche s'efforcera de fixer, de temps à autre, sans malignité, la petite chronique des souveraines et souverains du temps présent, pour distraire ses lecteurs et amasser des documents que consulteront un jour les grands historiens.

Le sultan et "guignol".

Le sultan adore ses enfants. L'Homme-Rouge oublie auprès de ses fils toutes les cruautés qu'il ordonne, pour affermir sa souveraineté débile. Puis, auprès des boucles blondes, il ne redoute pas quelque traîtrise. Il joue, confiant. On nous assure que le maître des croyants a construit un guignol pour faire rire sa petite famille. Et il invente des pièces où l'on n'exécute ni le commissaire... ni le grand vizir.

Les jeux de cartes de la reine d'Espagne.

En plus de sa passion pour le noble jeu du billard, la reine Christine aime collectionner les jeux de cartes. Elle en possède qui ont une véritable valeur historique: le paquet de figurines historiques sur ivoire, par exemple, que le prince Eugène de Savoie-Carignan, l'adversaire de Villars, emportait dans ses campagnes. Mais ce jeu, pour avoir appartenu à un soldat, n'est pas le mieux "culotté", car la reine ne dédaigne pas les tarots qui ont trop servi aux gitanes pour découvrir les intentions du destin.

Les pierreries du shah de Perse.

Le souverain persan possède une collection de pierres précieuses qui vaut, au bas prix, cent soixante-quinze millions. Mais quand il quitte ses Etats, il laisse au palais toute sa parure de soleils et d'étoiles, pour n'emporter que des imitations. Les badauds n'en admirent pas moins les feux de son aigrette.

Le lit du grand-duc.

Le grand-duc Paul, qui semble appartenir au temps où ne régnaient sur les hommes que les héros de belle stature, des demi-dieux, ne trouve pas dans les hôtels qu'il honore de sa présence de lits assez longs pour assurer son repos. Aussi emporte-t-il à travers le monde une couchette métallique qu'un mécanicien attaché à sa suite monte et démonte à chaque déplacement.

L'album de la reine de Grèce.

La reine de Grèce possède un album destiné à recueillir les "pensées" de son entourage. Et nombre de souverains ont déposé sur les pages de ce recueil les produits les plus purs de leur intelligence ou de leur esprit. Mais cela ne vaut pas du Courteline!
A cette question: Comment comprenez-vous le bonheur? le roi de Grèce a répondu: "Etre un souverain sans couronne."
Autre demande de la reine:
- Quelles sont les choses qui affligent le plus les hommes?
Le roi de Suède écrit avec une simplicité antique:
- Ce qui rend le plus malheureux, c'est le supplice des chaussures trop étroites.
- Quels sont les gens qui vous déplaisent le plus? interroge encore la souveraine.
Et Edouard VII de répondre malicieusement:
- Les gens les plus embêtants du monde sont ceux qui vous montrent le bout de leur ombrelle, de leur parapluie, qui secoue leur chapeau ou leur casquette et crient tous la même chose:"Le voilà! Hurrah! c'est lui! c'est lui!"
Celle-là est la pensée d'un homme qui voudrait bien revenir en arrière et s'entendre moins acclamé pour être un peu plus libre.

Mon Dimanche, revue populaire illustrée, 19 avril 1903.

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