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mercredi 4 juin 2014

Exposition universelle de Londres en 1851.

Exposition universelle de Londres en 1851.

Le projet d'une exposition universelle des produits de l'industrie est né en France, il y a deux ans. Paris aurait donné ce grand et utile spectacle pendant l'été de 1849. Mais quelques personnes exprimèrent la crainte que ce ne fût une occasion d'agitation publique. Les Chambres de commerce, consultées, répondirent d'ailleurs qu'il n'y avait pas lieu de mettre à exécution un projet si aventureux. On renonça donc à l'exposition universelle, et l'on se contenta d'une exposition ordinaire, qui, du reste, fut aussi brillante que celles qui l'avaient précédée dans des temps plus calmes.
L'idée, abandonnée en France, traversa la mer. Après l'exposition de 1849, M. Sallandrouze-Lamornais fit transporter à Londres ses célèbres tapis avec les produits des manufactures nationales qui lui avait été confié par le ministre du commerce; en même temps, il convia les exposants de France à lui envoyer une partie de leurs produits. Beaucoup d'entre eux répondirent à son appel. Cette tentative eut un grand succès en Angleterre. On s'y demanda pourquoi l'on inviterait pas toutes les autres nations à imiter cet exemple de la France: bientôt des comités se formèrent sous la présidence du prince Albert pour organiser l'exposition qui va s'ouvrir, et des souscriptions particulières furent promptement réalisées. 
On invita les architectes de tous les pays à présenter des plans de construction d'une salle assez vaste pour contenir tous les envois indigènes et étrangers. Le plan de M. Horeau, architecte français, obtint les suffrages de tous les membres du jury. Cependant on adopta ensuite un autre modèle, celui de M. Joseph Paxton de Chasseworth. Tous les détails en ont été étudiés par les entrepreneurs, MM. Fox, Handerson et compagnie.
Ce plan est simple: c'est un parallélogramme dont les grands côtés ont 560 mètres de longueur, et auquel est annexée une autre salle destinée aux machines, de 285 mètres de log sur 15 de large.



L'édifice est situé au sud de Hyde-Park, entre les endroits appelés Kensington-Drive et Rotten-Park. Sa contenance est d'environ 8 hectares, dont 7 hectares pour l'exposition, et un hectare pour la circulation. Il est formé, dans toute sa longueur, de deux ailes latérales de 20 mètres de haut, au-dessus desquelles, et en retraite, s'étendent deux galeries supérieures. La galerie centrale, haute de 33 mètres, est coupée par un transept de la même hauteur, qui avait permis de conserver un des plus beaux groupes d'arbres du parc. Frapper de la hache les vieux arbres, c'est, en Angleterre, un fait considérable. On a cependant reconnu qu'il y avait, en cette circonstance, des inconvénients graves à persister dans ce respect traditionnel.
La contenance du palais est évaluée à près d'un million de mètres cubes. On n'a employé dans sa construction que la fonte et le verre. Des colonnes en fonte, au nombre de 3.300 sont reliées entre elles par des châssis garnis de vitre; leur hauteur varie de 4,35 m. à 6 mètres; 2.224 cintres en fonte supportent les galeries et les vitrages; on compte en outre 1.128 supports intermédiaires pour les planchers, et 82.800 mètres carrés de vitrage, pesant ensemble plus de 400.000 kilogrammes.
Les gouttières ont une longueur de 54 kilomètres, c'est à dire à peu près la distance de Paris à Étampes.



Les châssis pour vitrage représentent une étendue de 325 kilomètres, c'est à dire un peu moins que la distance de Paris à Angers, par Orléans et Tours.
Enfin les tables seules qui servent à exposer les produits ont une longueur de 13 kilomètres, c'est à dire la distance de Paris à Villeneuve-Saint-Georges.
On est encore incertain sur l'usage auquel sera destiné ce palais quand l'exposition sera terminée. On a traité avec les entrepreneurs, soit comme location, soit comme achat définitif. dans la première hypothèse, le prix, y compris l'entretien pendant la durée de l'exposition, est de 2 millions de francs; dans la seconde on donnerait une somme de 3.750.000 francs.
L'Angleterre a réservé la moitié de l'édifice à l'exposition de ses produits et de ceux de ses colonies: elle aura de 3 à 4 hectares. La superficie accordée à l'exposition française est de plus de 8.000 mètres. L'Angleterre et la France sont placées de l'un et de l'autre côté du transept, dans l'attitude de deux rivales.
Les autres nations sont rangées à la suite et selon le nombre de leurs produits. Parmi les nations qui ont répondu à l'appel des commissaires royaux, on cite: l'Arabie et la Perse, la Chine, le Brésil et le Mexique, la Turquie, la Grèce, l'Egypte, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, la Suisse, la Belgique, la Hollande, l'Autriche, l'Allemagne du Nord, le Danemark, la Suède et la Norvège, la Russie, les Etats Unis d'Amérique, etc.
L'Angleterre consacre une somme de 500.000 francs à la distribution de récompenses aux exposants. Le jury est composé moitié d'Anglais et moitié d'étrangers; chaque branche d'industrie a d'ailleurs son jury spécial. Le nombre total des jurés est de 270, et celui de chaque pays est réglé au prorata du nombre des exposants; la France doit en avoir 30.
Nous ne doutons pas qu'il résulte de ce concours un grand bien pour l'industrie française, et qu'elle ne trouve des débouchés nouveaux pour ses produits. Il est une qualité pour laquelle nous n'avons pas de rivaux: c'est le goût; les Anglais n'hésitent point à le reconnaître. Dans un meeting récent, Ch. Cobden proclamait bien haut qu'après toutes les améliorations réalisées dans la direction du bon marché, il en était une encore à accomplir, et que, pour atteindre ce nouveau but, le goût, il fallait marcher en avant, les yeux fixés sur la France. Mais si les Anglais cherchent à nous emprunter le goût, ne pouvons-nous pas, de notre côté, chercher à puiser chez nos voisins de nombreuses améliorations à l'usage de nos fabriques. Nos manufacturiers, nos ouvriers, trouvent dans cette exposition solennelle l'occasion d'étudier les produits anglais et les mécaniques avec lesquelles on les obtient: le progrès peut sortir naturellement de cette étude.

Magasin Pittoresque, 1851.

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