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mercredi 16 octobre 2013

L'humeur des musiciens.

L'humeur des musiciens.

Les esprits superficiels et légers peuvent supposer que l'instrument musical est sans influence sur le caractère et l'humour de celui qui en joue. C'est une erreur. Entre l'homme et l'instrument, il existe, paraît-il, des rapports singuliers, qui viennent d'être révélés par un observateur patient, de son métier maître de chapelle en Allemagne.
C'est ainsi que les gens qui cultivent le basson et le hautbois sont généralement irritables et hautains.
Au contraire, la clarinette, dont on se sert volontiers dans les scènes champêtres, développe chez ses adeptes un sentimentalisme, un peu "bêlant" tandis que la flûte, alerte et vive, inspire le goût de la satire.
Volontiers le joueur d'alto se confine dans des fonctions bureaucratiques, laissant les hautes spéculations intellectuelles au grave violoncelliste, enclin aux méditations philosophiques.
N'en attendez pas autant des violonistes. L'usage de leur instrument fait naître en eux une excessive nervosité qui, par malheur, se communique souvent à leurs auditeurs, quand ils arrachent aux cordes en guise de sons harmonieux, de véritables grincements.
Le cor est mystique, et il faut se méfier de la trompette et du piston, qui incitent à l'orgueil et sont capables de déterminer, chez les sujets faibles, la folie des grandeurs.
Les tambours, les diverses caisses conduisent à la mystification, et il est rare qu'un cymbalier ne soit pas en même temps un agréable et subtil farceur.
Telles sont les affirmations de l'observateur allemand, qui vient de publier tout un livre sur ce sujet bizarre. On ne saurait douter de sa bonne foi, mais il y a tant de grosses caisses moroses, de cymbaliers qui ne rient jamais, de clarinettistes peu poétiques et de joueurs de basson amènes et courtois, qu'on est en droit de penser que le digne maître de chapelle s'est fourvoyé.
Le mal n'est pas grand, et l'on doit, malgré tout, à cet honnête homme, un amusant sujet de conversation.

                                                                                                      B. V.

Le Journal de la Jeunesse, premier semestre 1913.

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