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jeudi 31 octobre 2013

Le casque André.

Le casque André.


Il n'y a aucune assimilation à établir entre le chapeau boër, porté par les Boers, et le même chapeau porté à titre d'essai (malheureux) par nos fantassins, à la revue de Longchamps.
On peut, en effet, trouver seyant ce chapeau porté par des soldats de Botha et de Wett, car ces héros ne portaient, en général, aucun uniforme, et le chapeau de feutre à bords relevés, accompagnait fort bien le costume de chasse dont étaient revêtus les hommes des commandos. Ce chapeau n'était, d'ailleurs, qu'un simple chapeau civil agrémenté d'une cocarde.
Mais on peut trouver, en même temps, parfaitement ridicule, ce même chapeau lorsqu'il est porté par des hommes d'une armée régulière, en uniforme et accompagné d'attributs militaires comme les épaulettes. Or les journaux illustrés nous montrent des officiers en épaulettes, ce qui est habillé, affublés de ce chapeau mou et l'effet est choquant.
Voit-on le général André, en grande tenue, avec ses grands cordons, ses plaques et ses croix, sa ceinture d'or, ses bottes vernies et ses broderies, portant sur tout cela le petit chapeau de feutre mou?
Ce qui allait fort bien au fermier de Wett, en blouse et en guêtres, irait beaucoup moins bien au général André.
Les gravures du temps nous montrent certains "héros" des trois glorieuses, montant la garde en chapeau haut de forme, orné d'une cocarde. C'étaient de bons bourgeois improvisés soldats, et leur coiffure s'explique, mais elle deviendrait inexplicable si elle était portée par des soldats de métier et je ne pense pas que jamais les ministres de Louis-Philippe aient songé à donner aux troupes d'Afrique des castors à long poils. Le Président Kruger était parfaitement beau et vénérable sous son vieux "tuyau de poil" jauni et brossé à rebrousse poils. Le président Loubet le serait-il autant sous ce même couvre-chef, respectable, à coup sur, mais démodé?

                                                                                                                  St du Pat.

J'estime, comme le Dr L., qu'il serait bon de donner un peu plus de fixité à la tenue de l'armée française; de faire la part du progrès mais aussi de la tradition, et surtout de ne pas se jeter trop facilement dans l'imitation des autres peuples. Le chapeau boër était sans doute très seyant sur la tête des combattants du Transvaal, soldats improvisés, véritables francs-tireurs qui ont fait la guerre de guérillas plutôt que la grande guerre stratégique.
 La question posée par M. P., se ramène donc à ceci: ce qui convenait à de telles milices, convient-il également à de grandes armées opérant par masse? Eh bien, j'en doute. La mode est aujourd'hui en France à la simplicité, et cela se peut soutenir pour de bonnes raisons; n'oublions pas toutefois, que les autres armées européennes continuent de faire une part, et une grande, à l'élément brillant, à l'uniforme orné et ajusté, et l'argument a bien sa valeur. On n'a jamais trouvé inutile, en effet, de faire que le soldat et l'officier fussent fiers de porter un bel uniforme différent du costume des autres hommes, eussent l'orgueil les jours de parade ou de bataille, d'offrir des alignements étincelants, non seulement d'acier, mais de couleurs éclatantes et d'or.
Peut-être les partisans de la nouvelle tenue pourraient-ils invoquer avec plus d'autorité l'exemple des Etats-Unis. Dans la guerre de la Sécession, les armées fédérales et confédérées répudièrent les brillants costumes; mais les uns et les autres, ne l'oublions pas, constituaient des milices dont le rôle commença et finit avec la guerre. D'ailleurs, il n'existait pas aux Etats-Unis cette longue tradition militaire que nous avons en France; ce peuple nouveau et pratique, demeuré puritain de surcroît, n'a pas comme nous la conception chevaleresque de la guerre. Français, nous sommes, en effet, les fils de ces gaulois qui aux jours de combat, se paraient à l'envi d'armes éclatantes d'or, d'argent et de vives couleurs; des chevaliers empanachés du moyen-âge; des soldats de Rocroi, de Denain et de Fontenoy, aux riches uniformes; des grenadiers et des cavaliers décoratifs qui combattirent et vainquirent à Austerlitz, à Iéna et à la Moskova. Les armées de la Convention, elles-mêmes, n'avaient pas toujours des souliers, mais leur tenue n'en était pas moins martiale et gaie.
Je suis donc peu porté, en principe, à approuver l'introduction de l'uniforme boër dans l'armée française. Mais, à tout prendre, il faudrait avoir vu, et je n'ai pas vu; il faut aussi, si la réforme doit avoir longue vie, compter sur l'accoutumance.
Et si je suis plutôt du parti de ceux qui critiquent, le nom du ministre qui tente l'aventure est sans influence sur ma manière de voir.

                                                                                                                        H. C. M.

L'Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, 20 août 1903.

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